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Déchéance nationale : la loi existe depuis 1938 !

Voilà encore un de ces débats, bien français, qui consiste à discuter sans fin sur un sujet… inexistant ! Car le fait est là : savoir s’il faut ou non une loi sur la déchéance de citoyenneté n’a aucun intérêt puis que cette loi existe depuis 77 ans, très exactement depuis le 12 novembre 1938 !

En son temps, cette disposition faisait figure de contrepartie à l’adoption du principe de double nationalité. Elle figurait dans le Code de la nationalté, puis a été intégrée au Code civil.

Article 23-7 (Créé par Loi n°93-933 du 22 juillet 1993 - art. 50 JORF 23 juillet 1993)
Le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’Etat, avoir perdu la qualité de Français.
Article 23-8 Perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours, n’a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l’injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement.
Article 25 L’individu qui a acquis la qualité de français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’Etat, être déchu de la nationalité française :
1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;
2° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;
3° S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;
4° S'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.

Depuis, le Conseil d’Etat en a restreint l’application au “défaut de loyalisme”. C’est sur ce critères que la loi a été appliquée (plus de 200 fois entre 1949 et 1953 d’après Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS, 696 fois entre 1945 et 1956 selon Alexis Spire dans son livre “Etrangers à la carte”). Un “Service des déchéances” est même créé au ministère de la Population.

La vraie question n’est donc pas de savoir s’il faut une loi, puisqu’elle existe, mais de l’interprétation de cette loi : peut-on considérer qu’un terroriste “se comporte comme le national d’un pays étranger“, pour reprendre les termes actuels ? Un simple amendement devrait permettre de corriger ou préciser ce point. Encore, cela ne concernerait-il que ceux nés sur le sol français. Les binationaux naturalisés, eux, relèvent de l’article 25 et le problème ne se pose donc pas, dès lors qu’une condamnation a été prononcée.

Alors, pourquoi ce débat pour ou contre une loi qui existe déjà ? L’ignorance (bien que nul ne soit censé ignorer la loi, surtout le législateur !) ? Peu probable, puisque le sujet a été abordé dans la question écrite n° 04097 de Robert del Picchia, Sénateur UMP des Français établis hors de France, et publiée dans le JO Sénat du 24/01/2013 - page 247
M. Robert del Picchia attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur le cas de perte d’office de la nationalité française du Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger, en application de l’article 23-7 du code civil. Il lui demande combien de cas ont été recensés ces dix dernières années et en raison de quels comportements précis.
Réponse du Ministère de l’intérieur (publiée dans le JO Sénat du 11/04/2013 - page 1191) :
L’article 23-7 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 modifiée, dispose : « le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’État, avoir perdu la qualité de Français ». Cet article a repris la règle posée à l’article 96 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue tant de l’ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 que de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973. Le ministre de l’intérieur n’a pas connaissance que l’article 23-7 du code civil ait été appliqué depuis son entrée en vigueur et l’article 96 du code de la nationalité française n’a été utilisé que très rarement, à l’encontre de personnes ayant commis des faits précis, clairement contraires aux intérêts de la France. Ces faits témoignaient sans ambiguïté d’un défaut de loyauté de leur auteur à l’égard de notre pays, dans une période troublée, indépendamment de l’exercice normal, par l’intéressé, des droits et devoirs découlant de sa nationalité étrangère. Les dispositions de l’article 96 du code de la nationalité française ont été appliquées dans les cas suivants :
- en 1958, à un franco-norvégien ayant donné des conférences et publié des articles dirigés contre la France et sa politique ;
- en 1960 à un franco-guinéen, qui, nommé, un mois après l’indépendance de la Guinée, trésorier payeur de la République de Guinée, militait dans des partis politiques guinéens et écrivait des articles extrêmement violents contre le Gouvernement français ;
- en 1970, à un franco-allemand qui, résidant en Allemagne depuis la Libération, se comportait, dès avant 1939, comme un ressortissant allemand et manifestait ouvertement son hostilité à l’égard de la France. L’article 96 du code de la nationalité française n’était donc mis en œuvre qu’à titre de sanction d’un comportement anti-français indubitablement caractérisé.

Objectivement, une telle mesure ne concernerait qu’un faible nombre d’individus, ceux disposant d’une autre nationalité. Pour ceux ne disposant que de la nationalité française, le débat reste ouvert entre indignité nationale, dégradation nationale, dégradation républicaine (voir le rapport d’information présenté par Jean-Jacques Urvoas).

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