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Réaction à la tribune d'Annie Emaux

Le ridicule, même sous de beaux atours, n’en reste pas moins ridicule.

Certes, Annie Emaux, agrégée de lettres modernes et écrivaine, sait écrire, et de fort belle manière, mais avait-elle réellement besoin de mettre son talent au service d’idées toutes faites, de vieux clichés, d’un politiquement correct très “intellectuelle de gauche vivant au pays des bisounours“ ?

Je ne m’attarderai pas sur les approximations de sa tribune parue dans Le Monde du 28 avril, et intitulée “1er-Mai, alerte à l’imposture !“, qui commence ainsi : «Stupeur, colère - il ose faire ça ! -, ma première réaction à la proclamation de Nicolas Sarkozy de fêter « le vrai travail» le 1er mai sur la place de la Concorde.» Plus loin, elle récidive dans l’erreur : «Place de la Concorde, derrière les majestueuses fenêtres de l’Hôtel Plazza et des appartements de 300 m2, les gens pourront regarder le spectacle avec amusement.». Erreur, disais-je, car ce n’est pas place de la Concorde que se rassembleront les défenseurs du travail, mais sur l’Esplanade du Trocadéro.
Erreur encore, que je veux bien mettre sur l’émotion de cette brave dame, bousculée dans ses certitudes, que d’imaginer des spectateurs embusqués derrières “les majestueuses fenêtres de l’Hôtel Plazza“ et qui auraient beaucoup de mal à apercevoir la place de la Concorde depuis l’avenue Montaigne !

S’indigner est à la mode. S’indigner est à la portée de n’importe qui. D’autres préfèrent s’engager et agir.
S’engager, agir… des mots vides de sens pour ces intellectuels de gauche pour lesquels le summum de l’engagement consiste à signer une pétition ou, pour les plus courageux, à aller faire acte de présence (à condition que les caméras soient présentes) auprès de “victimes du libéralisme“ livrés en pâture à la compassion médiatique, non pour leur venir en aide (pour cela, il faudra agir) mais pour témoigner. Témoigner de quoi ? Le savent-ils eux-mêmes ? Non. Ils vont soutenir les sans-abris, parce que, lorsque l’on est de gauche “cela se fait“. Ils participent aux campagnes des restaurant du coeur, par petite conviction et grande habitude…

Loin de moi l’idée de douter de leur sincérité. Sincère, ils le sont très certainement. Sincères et convaincus. Mais par habitude, par réflexe, par routine, par une certaine forme de conservatisme qui impose cette attitude. Et c’est bien là le problème : le conservatisme. Jadis, les conservateurs étaient à la droite de l’échiquier politique, mais le monde a changé. Il a changé, pas eux. Eux, ceux qui, dans le confort matériel et intellectuel, n’ont pas su appréhender ces changements. Ceux pour qui le monde du travail restent une notion étrangère, voire exotique, un monde qui, à leur yeux, reste celui décrit par Zola.

Alors, non, Madame, le 1er mai n’appartient pas “de droit“ à certains. En tout cas, pas à ses dirigeants syndicaux qui ne représentent qu’eux-mêmes. Il n’appartient pas à ces organisations qui ne se préoccupent que de leur intérêt propre, le plus souvent au détriment de ceux qu’elles sont censées représenter. Vous parlez d’un candidat qui «depuis cinq ans, n’a cherché qu’à déréglementer le travail, à l’imposer le dimanche, à détruire le service public d’éducation et de santé». Mais c’est la réglementation qui tue le travail, la rigidité qui empêche l’embauche. Nicolas Sarkozy aurait cherché à détruire le service public de l’enseignement : peut-on détruire des ruines ? Car c’est bien l’état dans lequel est notre enseignement, et depuis longtemps. Comment a-t-on pu tolérer qu’un nombre impressionnant d’enseignants… n’enseignent pas, alors qu’ils sont rémunérer pour cela ?
Comment peut-on expliquer que, malgré la progression constante des budgets, le manque de moyens reste riant ? Ou, en reformulant, où passe tout cet argent ? Je vous renvoie, Madame, à vos amis syndicalistes qui sauront certainement vous justifier la pléthore d’administratifs qui engloutit un budget qui serait pourtant tellement plus utile sur le terrain, entendez dans les établissements scolaires, que dans les bureaux.
Le service public de santé ? Qui l’a mis à mal ? Oserais-je évoquer les tragiques résultats de l’application des 35 heures dans les hôpitaux ? «C’est tout à l’honneur de François Hollande de rompre avec cette vision d’une France en guerre contre l’autre». Face à un président qui n’a cessé d’appeler au rassemblement, qui s’est toujours posé en président de tous les Français (je sais, ce n’est pas l’image qu’en donnent volontiers les médias français), que propose François Hollande ? De parler au peuple de gauche ! Le vertueux peuple de gauche. N’est-ce pas une manière de diviser la société ? D’opposer les Français ? Le bon peuple de gauche contre le méchant peuple de droite… Belle vision de la nation.

Je serais un peu plus technique sur un autre point, le «principe d’une «présomption de légitime défense» pour les policiers, issue du programme de l’extrême droite, porte ouverte à tous les droits en matière de répression, pierre angulaire d’un système policier.» Issu du programme de l’extrême droite… Non, du règlement de la Gendarmerie Nationale ! Car, vous ne pouvez l’ignorer, les deux forces (police et gendarmerie) ont été regroupées sous une même autorité. Pourquoi ce droit, qui est légitime et que personne ne conteste pour l’une, serait condamnable pour l’autre ?

Je vous rejoins toutefois sur votre conclusion : «Il faut casser cet imaginaire de suspicion et de haine qui empoisonne le pays, mais cela ne se fera qu’en engageant la lutte pour un partage des richesses, l’égalité dans l’éducation, l’accès aux soins, à la culture, des conditions de vie meilleures pour tous.».
Je ne peux qu’approuver, c’est pour cela que je me bats.

Cette suspicion et cette haine, nous n’avons cessé de la subir depuis cinq de la part de vos amis.
L’égalité dans l’éducation, nous nous sommes battus pour la mettre en oeuvre, contre vos amis.
L’accès aux soins, nous avons réussi à le préserver, malgré vos amis. 
La culture, nous l’avons ouverte plus largement, notamment aux jeunes en leur offrant la gratuité d’accès à nos musées, entres autres, et en sanctuarisant le budget de la culture.
Préserver les conditions de vie, le mieux possible dans une situation difficile, a également été un combat de tous les jours du président de la République : les retraités et les personnes handicapées ont vu leurs prestations augmenter (pas suffisamment peut-être) alors que, dans de nombreux autres pays elles n’ont pas progressé, voire diminué.

Vous appelez de vos voeux une “République sociale“. Quelle originalité ! Mais pour atteindre ce but, encore faut-il en avoir les moyens. Et ce n’est certes pas en pénalisant les entreprises ou en faisant fuir les investisseurs (un gros mot, sans doute), que la France aura les moyens d’une telle politique.

On peut rêver d’une société utopique, mais la réalité nous rattrape bien vite. La réalité, celle à laquelle nous, ceux qui travaillons, sont confrontés tous les jours.
Alors, oui, ne vous en déplaise, nous nous retrouverons pour cette Fête du Travail.
Parce que le travail est notre quotidien.
Parce que nous en sommes les acteurs.
Parce que nous ne voulons plus laisser célébrer le travail par ceux qui n’en ont qu’une vague idée intellectualisée.
Le travail n’est pas de gauche, Madame, il ne l’a jamais été. Il n’est pas la chasse gardée d’un clan, d’un petit clan. Il n’est pas que le faire-valoir de quelques dirigeants qui se partagent les profits des combines et prébendes en tout genre et qui ont perdu toute légitimité.

A travers ces dizaines de milliers de Français qui se retrouveront dans un véritable esprit de fête, c’est tout son sens, son vrai sens, qui sera redonné à cette date. 

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