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"Tous à poil"… il y a 100 ans déjà.

J'avais oublié cette mystification qui date d'il y a 100 ans. J'étais encore enfant quand j'ai découvert cette histoire, à la télévision.  Si je ne sais plus dans quelle émission elle était alors racontée, je me souviens parfaitement de la chanson qui la concluait, sur l'air du "Chant du départ" :
La République se rappelle
Les vertus d'Hégésippe Simon
En souvenir de ce qu'il fit pour elle
A Poil , tous à Poil nous serons !

Qui était Hégésippe Simon ?
Un grand homme assurément, puisqu'il est qualifié de "précurseur", sans autre précision !
Le courrier envoyé aux élus de la République, émis par le "Comité d’initiative du centenaire d’Hégésippe Simon" et les invitant à l'inauguration de la statue de ce héros national, portait cette fière devise : « Les ténèbres s’évanouissent quand le soleil se lève. » Ce courrier était ainsi libellé :
Monsieur le Député,
Grâce à la libéralité d’un généreux donateur, les disciples d’Hégésippe Simon ont enfin pu réunir les fonds nécessaires à l’érection d’un monument qui sauvera de l’oubli la mémoire du précurseur.
Désireux de célébrer le centenaire de cet éducateur de la démocratie avec tout l’éclat d’une fête civique, nous vous prions de vouloir bien nous autoriser à vous inscrire parmi les membres d’honneur du Comité.
Veuillez agréer, Monsieur le Député, l’hommage de notre profond et respectueux dévouement.

Derrière ce Comité se cachait, en fait, Paul Birault journaliste à l’Éclair qui n'avait pas une très grande estime pour la classe politique de l'époque, selon lui « incapables d’étudier même superficiellement une question quelconque, et [d']une vanité qui ne leur permet pas de soupçonner qu’on puisse se moquer d’eux ».
Les premières réponses ne tardèrent pas, et Birault en profite pour rédiger une lettre de relance en citant ses premières victimes : « Nous avons déjà reçu l’adhésion de MM. Dalbiez, Paul Meunier et Félix Chautemps. Dans l’espoir que vous voudrez bien vous associer au juste hommage rendu à l’une des plus pures gloires de notre démocratie, nous vous prions d’agréer… ».
Ce nouveau courrier lui vaut une seconde vague de réponses, dont l'une ne peut que l'étonner : « J’accepte avec d’autant plus de plaisir que j’ai bien connu Hégésippe Simon, ce grand Français paré de toutes les vertus républicaines. » Après l'Assemblée Nationale (ou plutôt, la Chambre des Députés), c'est au tour du Sénat. Et cette fois-ci, pour les sénateurs, le courrier s'enrichit d'un petit post-scriptum : « La pierre élevée à la mémoire de votre illustre compatriote sera érigée à… (là, une commune du département du destinataire). » Le monument devait être inauguré le 31 mars 1914. Là, Birault prend un risque : la cérémonie se déroule dans 48 communes différentes ! Il suffirait que deux sénateurs comparent leurs invitations pour que le canular soit éventé.
Il n'en sera rien, et 17 sénateurs confirmeront leur présence… ou s'excuseront, comme celui qui regrettent que : « Mon âge et l’état de ma santé ne me permettent plus guère les longs voyages et les banquets... » ! Certains se posent quand même des questions et demandent une documentation sur l'illustre personnage.

Fort de son succès, Birault passe au niveau supérieur et demande le patronage du Ministre du Commerce. Mais celui-ci, plus prudent, demande un rapport sur le Comité à la Sûreté, qui a vite fait de constater qu'il n'existe aucun Hégésippe Simon et qu'à l'adresse du comité se trouve l'imprimerie dirigée par l'épouse de Birault. Une note est aussitôt placardée à l'entrée de l'hémicycle du Sénat.
Malgré cela, Birault recevra encore une réponse, celle qui est à l'origine de la chanson citée plus haut et émanant du comte d’Aulnay, sénateur de la Nièvre. Dans ce département, le lieu de naissance choisi était la petite commune de Poil ! « A mon vif regret, je prévois qu’il me sera sans doute difficile de me trouver à Poil le 31 mars 1914. »

Le 21 janvier 2014, Birault révèle le canular dans l'Eclair, mettant un terme à l'histoire… du moins jusqu'à aujourd'hui, puisqu'un nouveau comité vient de prendre le relais pour commémorer le vrai centenaire du faux centenaire !

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