Et si l'alimentation avait sa part dans l'augmentation de la violence ? L'idée n'est pas nouvelle, mais elle commence à être prise au sérieux.
Une émission d’une chaîne anglaise : un chef se penche sur les habitudes alimentaires des jeunes anglais. Entre les saucisses de dinde (qui contiennent plus de graisses que de viande), les fritures en tout genre, les boissons sucrées… il y a toute une éducation à refaire. L’exemple le plus frappant est celui d’une famille d’anglais moyens, parfaitement dans la norme, dont le fils, d’une dizaine d’années, est particulièrement turbulent, agressif. Après quelques jours d’adaptation, quand les nouvelles habitudes alimentaires sont à peu près acquises (suppression des boissons à haute teneur en sucre et remplacement des aliments industriels au profit de produits frais), le changement d’attitude du garçon est frappant : il est devenu beaucoup plus calme et sociable. Dans un premier temps, tout le monde met ce changement sur le compte des nouvelles règles adoptées la famille (repas pris en commun, dans le calme). Mais lorsque ses parents, pour le récompenser de ses efforts, lui accordent, à titre exceptionnel, son repas favori (à savoir, les cochonneries citées plus haut), ils voient avec stupeur leur petit ange retrouver ses vieux démons ! Et là, le déclic se fait : ses accès de violence seraient-ils liés à l’alimentation ?
Et bien, il semblerait que tel est, effectivement, le cas. Qui plus est, de nombreux scientifiques se sont, depuis quelques années, penchés sur la question. Une étude est même en cours à l’Institut Royal pour Jeunes Délinquants de Polmont, la prison la plus violente d’Ecosse. Les prisonniers, volontaires pour l’expérience, sont divisées en deux groupes : le premier reçoit des compléments alimentaires (vitamines, minéraux et acides gras essentiels), le second des placebos. Les gardiens, qui ne connaissent bien évidemment pas les jeunes prisonniers recevant le traitement, notent scrupuleusement la moindre infraction (pouvant aller de “simples“ propos violents à l’agression physique). Le résultat de cette étude, prévue sur trois ans, permettra peut-être de confirmer que les déséquilibres nutritionnels sont l’une des causes de la violence.
C’est, en tout cas, le constat qu’a fait un chercheur en nutrition et en criminologie de l’université d’Oxford qui a publié, en 2002, les résultats d’un essai similaire mené sur plus de 200 jeunes prisonniers d’Aylesbury : ceux qui ont reçu des compléments alimentaires ont commis nettement moins d’actes de violences que ceux du groupe témoin.
Une expérience similaire a été menée en Virginie, par un professeur de sociologie de l’Université de Californie. Après l’avoir menée, lui aussi, en milieu carcéral, il l’a étendu à huit établissement scolaires, touchant ainsi 8 000 adolescents. Là, pas de compléments alimentaires, mais une modification radicale des menus des cantines (moins de viande, plus de légumes et de céréales) et la suppression de distributeurs de sodas et de barres chocolatées. Là encore, les actes de violence ont notablement diminué. Mais cela reste une expérience et il n’est donc pas possible d’en tirer les mêmes conclusions qu’avec une étude en double aveugle, basée sur un protocole scientifique très strict. Malgré tout, les résultats sont bien réels.
Ne simplifions pas le problème. Si les études confirment ce que l’on croit commencer à comprendre, cela ne voudra pas dire qu’une meilleure alimentation permettra de résoudre le problème de la violence. Celui-ci dépend de nombreux autres facteurs. Mais, comme le problème est complexe, la découverte de l’une de ses causes pourra permettre de l’aborder de manière plus complète et plus efficace. Des thérapeutes l'ont déjà bien compris : dans un récent entretien télévisé, un psychiatre expliquait comment il avait pu arrêter à donner certains médicaments à des patients qui avaient modifié leur régime alimentaire ! Reste le problème économique : imaginez que les Français, premiers consommateurs de tranquillisants au monde, deviennent soudain adeptes d'une alimentation saine et renoncent aux barres chocolatées, aliments riches en graisse, sodas et autres boissons énergisantes …c'est tout un pan (important) de l'industrie agro-alimentaire et pharmaceutique qui serait en péril !