La nomination de Philippe Richert, président du Conseil Régional d’Alsace, au gouvernement est-elle une bonne nouvelle pour notre région ? En tout cas, elle pose un très sérieux problème.
Je suis, j’ai toujours été, un fervent partisan du non cumul des mandats. Et un mandat comme celui de président de région est, à mes yeux, suffisamment prenant (et exigent) pour se suffire à lui même. Je l’estimais déjà incompatible avec celui de sénateur, à plus forte raison avec celui de ministre. J’ajouterais que la nature même de la mission ministérielle confiée à Philippe Richert (ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales) crée de fait un conflit d’intérêts évident : être chargé des collectivités locales tout en étant soi-même à la tête de l’une de ces collectivités posera tôt ou tard problème. Il serait donc logique qu’il renonçât à la présidence du Conseil Régional.
Ce qui, fort logiquement, porterait à la tête de celui-ci le premier vice-président André Reichardt. Et ceci pose un second problème. L’entrée au gouvernement de Philippe Richert entraîne sa démission du Sénat (dont il est toujours questeur malgré son engagement à démissionner) et son remplacement par… André Reichardt. Ce qui était valable pour l’un, l’est pour l’autre : André Reichardt devra faire un choix, la présidence régionale ou le Sénat.
Tout cela, bien sûr, suppose un minimum d’éthique et de conscience politique. Aujourd’hui, l’espoir est encore permis.
Mais qu’en est-il de l’électeur de base ? Je veux parler de celui qui, il y a quelques mois, a porté Philippe Richert à la tête de l’exécutif régional. Considérera-t-il cette nomination comme une juste reconnaissance du travail accomplie ? Considérera-t-il, au contraire, qu’accepter ce poste c’est trahir sa confiance en renonçant à la mission qu’il lui a confié ?
SI l’on se place du strict point de vue électoral, les Français n’élisent pas leur président de région, ils votent pour une liste. Tout comme ils n’élisent pas directement leur maire, mais un conseil municipal. Dans les deux cas, le choix final incombe à ces élus. Mais cela n’est que pure théorie et, de fait, c’est bel et bien le chef de file déclaré qui emporte la décision des électeurs. Ce qui nous ramène à notre problème.
Il n’est pas simple, j’en conviens, mais il crée un véritable malaise, moins chez le militant que cette nomination réjouirait plutôt, que chez le simple électeur. Et ce qui remis en cause, c’est la confiance que l’on peut accorder à celles et ceux qui sollicitent nos suffrages si, à la première occasion, ils semblent renoncer à leurs premiers engagements pour en accepter d’autres.
Reste la possibilité que Philippe Richert conserve la présidence de région pour, justement, ne pas décevoir ses électeurs. Dans ce cas, en plus du conflit d’intérêts évoqué plus haut, cela jettera un sérieux discrédit sur la fonction.
Accessoirement, cela pose aussi le problème de la composition du gouvernement : réussira-t-on, un jour, dans ce pays, à comprendre qu’un poste ministériel n’est pas une récompense pour service rendu ? Mais commençons déjà par définir, une fois pour toute, de grands ministères dont les compétences ne changent pas à chaque remaniement. Ce sera un énorme progrès et une source d’économie que personne ne semble mesurer. J’invite ceux qui sont si promptes à calculer la moindre petite dépense de l’Etat à chiffrer le coût de ces changements (plaques, papiers officiels, cachets, sites… de toutes les administrations dont le ministère de tutelle change simplement de dénomination).