Un article publié sur AgoraVox, intitulé “Suppression des droits d’auteur“ soulève de nombreux commentaires indignés.
Il faut reconnaître que l’article a de quoi indigner. Jugez-en plutôt, rien que d’après son introduction : Depuis le 1er mars 2012, après un vote obtenu à la nuit tombée par une poignée de députés de la majorité présidentielle, les droits d’auteur sur les oeuvres publiées avant le 1er janvier 2001 et non rééditées sont supprimés dans le cas d’une diffusion numérique...
Une poignée de députés de la majorité, un vote de nuit… sauf que…
L’article est bourré d’erreurs, ou devrais-je dire de mensonges ?
Reprenons les faits.
La loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle a été publiée au Journal Officiel du 2 mars.
Elle n’a donc pas été votée en catimini dans la nuit du 1er mars.
La proposition de loi du sénateur Legendre a été déposée le 21 octobre 2011, la commission a rendu son rapport le 30 novembre et le texte a été adopté en première lecture au Sénat (à majorité de gauche) le 9 décembre.
La commission des affaires culturelles de l’Assemblée a rendu son rapport le 18 janvier et le texte a été modifié en première lecture par l’Assemblée nationale le 19 janvier.
La commission mixte paritaire a rendu son rapport le 2 février.
Le texte définitif a été présenté en seconde lecture au Sénat le 13 février, la rapporteur était Mme Bariza Khiari (PS) !
Extrait des débats :
Mme Dominique Gillot (sénatrice PS du Val d'Oise) : Il ne s’agit en aucune façon de créer une nouvelle exception au droit d’auteur, comme certains ont pu le craindre, ou de porter atteinte au modèle économique du dispositif d’ensemble, dit “de longue traîne“, qui trouvera son équilibre sur le très long terme. C’est d’ailleurs ce qui justifie son éligibilité au programme d’investissements d’avenir. Il s’agit simplement de permettre, au bout de dix ans, une gratuité de licence non exclusive pour les bibliothèques publiques, qui auront le droit de mettre à disposition de leurs usagers abonnés, sous forme numérique, les ouvrages devenus indisponibles dont les ayants droit ne se seraient pas manifestés et dont elles détiennent un exemplaire dans leur fonds. On voit bien que si cette mesure représente une avancée pour la lecture publique, qui est une compétence des collectivités locales, elle ne touchera qu’une partie somme toute minime des œuvres inscrites au catalogue numérisé.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (élue Europe Ecologie - les Verts) : La commission de la culture se félicite de l’aboutissement de cette initiative du Parlement qui prend acte de l’évolution des pratiques culturelles, désormais indissociables de l’usage des outils numériques.
Le texte est adopté à l’unanimité (et non par un poignée de sénateurs de la majorité).
Le 22 février, il est examiné à l’Assemblée Nationale
M. André Chassaigne (député PC du Puy de Dôme) : Les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche soutiendront donc l’adoption de cette proposition de loi qui entend réconcilier les objectifs de la société de l’information et le droit d’auteur.
Mme Monique Boulestin (députée PS de la Haute-Vienne) : …au terme du débat mené au Parlement, nous sommes satisfaits d’avoir œuvré en faveur de la lecture publique et des bibliothèques. Au terme de ces échanges, nous avons pu réaffirmer que l’accès de tous à la lecture est un enjeu culturel et démocratique qui constitue l’une de nos priorités. C’est pourquoi le groupe socialiste votera cette proposition de loi.
M. Marcel Rogemont (député PS d'Ille-et- Vilaine) : Pour conclure, je rappellerai le propos du romancier Maurice Chapelan : « Les œuvres qui ne survivent pas n’ont pas vécu. » Avec ce texte, nous entendons les faire vivre.
Le texte est voté à l’unanimité (et non par un poignée de députés de la majorité).
Je n'ai volontairement retenu que des interventions d'élus de gauche, pour montrer que ce texte faisait l'unanimité.
Cet article n’est donc, ni plus, ni moins, qu’une sordide manipulation d’un public peu curieux d’aller au fond des choses.
Pour ceux qui veulent en savoir plus : le dossier législatif complet.