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Nos hommes politiques ne savent pas communiquer (4)

Petit état des lieux

La société française a considérablement évolué au cours des dernières années. Le dire semble être une évidence, mais est-ce aussi évident pour tout le monde ?
A priori, oui. Du moins si l’on prend en compte les diagnostics émis par les leaders politiques au cours des dernières années. A commencer par celui, brillant, de Jacques Chirac sur la fracture sociale, complété par celui de Jean-Pierre Raffarin sur la “France d’en bas“.
Mais à l’arrivée, à quels résultats ces diagnostics ont-ils aboutis ?
Selon leur engagement et leurs convictions, les uns vous démontreront, chiffres à l’appui, que de vraies mesures ont été prises, que les choses sont en voie d’amélioration. Les autres, avec la même sincérité, vous prouveront que, non seulement rien n’a été fait, mais que les inégalités se sont creusées.
Qui a tort ? Qui à raison ?
Match nul, balle au centre : les deux camps ont raison. La vérité est équitablement partagée, tout comme la mauvaise foi !
Et la grande phrase a été lâchée : les deux camps !

Oh bien sûr, cette bipolarisation de la vie politique n’est pas spécifiquement française, républicains et démocrates aux Etats-Unis, travaillistes et conservateurs en Grande-Bretagne… les exemples ne manquent pas.
Non, notre spécificité est la “bipolarisation fluctuante“ : le Français choisit son camp, défend vigoureusement son “engagement“, mais n’hésitera pas à se renier avec la même sincérité quelques mois plus tard !
Et cela, je l’ai constaté à maintes reprises, il suffit de prendre les résultats d’élections locales dans des quartiers dits populaires. La comparaison des chiffres des tours permet alors de vérifier le report des voix de l’extrême droite sur un candidat socialiste, lequel n’a rien demandé et est même, souvent, plutôt embarrassé par ce vote.
On tente de nous expliquer alors qu’il s’agissait là de votes de protestation, que les électeurs ont voulu donner un avertissement au monde politique…
Mais qu’est-ce que ça veut dire, un vote de protestation ?
Soyons clair : lors d’une élection (hors référendum, qui est un cas particulier) chaque candidat présente un programme, le choix devrait donc porter sur ce programme et rien d’autre.
Comment se fait-il que lors d’élections régionales, les Français estiment-ils pouvoir infléchir la politique nationale ?
Comment, lors d’un scrutin européen, est-ce le gouvernement français qui devient la cible des critiques ?
On peut comprendre l’exaspération de ceux qui sont en difficulté, qui ont envie que les choses changent rapidement, mais là encore, paradoxe ! Ce sont ceux qui réclament le plus des changements rapides qui s’opposent aux évolutions nécessaires.
Et nous en revenons toujours au même point : la communication. Dire qu’il faut réformer, exposer le problème, c’est bien. Mais a-t-on suffisamment expliquer les récentes réformes ? Certes, il y a eu des débats, des réunions… Un effort a visiblement été fait, mais une fois encore, totalement à côté de la plaque !
Prenons le cas de la réforme scolaire. François Fillon avait parfaitement compris le besoin d’implication des Français, il avait souhaité un vaste débat. Ce débat a eu lieu. Le résultat : des manifestations, le retrait d’une partie du projet, le désaveu d’un ministre qui avait sincèrement et honnêtement tenté de jouer le jeu de la concertation. Rappelez-vous les unes des journaux, n’avait-on pas l’impression que toute la jeunesse de France était dans la rue ?
Et pourtant la réalité était toute autre : 10 % d’étudiants dans la rue !
Une nouvelle fois, une minorité agissante imposait sa manière de voir les choses. Or moi, j’ai toujours appris qu’en démocratie, c’est la majorité qui décidait !
Et je ne reviendrais pas sur la grève des intermittents du spectacle, où l’on a vu à la pointe de la contestation au syndicat défendre un statut qu’il avait violemment combattu (et refusé de signer) quelques années au paravent !

Alors je persiste et je signe :nous n’avons pas su expliquer les véritables enjeux de nos réformes. Et comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, ce ne sont pas la qualité et la compétence des hommes chargés de la communication du gouvernement ou des partis qui sont en cause, mais bien leur éloignement de ce que l’on a appelé la “France d’en bas“.
Et même cela, ce n’est pas un reproche : il est difficile de rester totalement connecté aux réalités du terrain quand on passe 10 ou 12 heures dans un bureau, entouré de gens qui sont convaincus, et de toute bonne foi, avoir pris les bonnes décisions. Les choses semblent tellement évidentes qu’il est difficile d’admettre qu’elles ne le soient pas pour tout le monde.

Aujourd’hui, les Français attendent des résultats immédiats, or nous savons tous que gouverner c’est prévoir, donc agir à moyen et long terme. Malheureusement une action à long terme et des résultats rapides sont deux choses incompatibles.

Le Français d’aujourd’hui me fait irrésistiblement penser à l’Antigone de Jean Anouilh : “Moi, je veux tout, tout de suite, – et que ce soit entier – ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd'hui...“

(à suivre)

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