Les Français ont choisi en leur âme et conscience. Ont-ils réellement voté contre le texte ? En ont-ils bien perçus les enjeux ?
Espérons néanmoins qu'ils ne seront pas à nouveau déçus.
Je ne veux pas mélanger les voix de ceux qui ont sincèrement cru faire progresser l’Europe en rejetant le traité avec celles des extrémistes qui n’ont vu là qu’un moyen de se remettre en selle, mais quand on nous dit qu’il va bien falloir tenir compte des aspirations des Français, desquelles parle-t-on ?
Entre ceux qui reprochaient au texte de reconnaître les droits à l’égalité des minorités et de ne pas prendre en compte les fondements chrétiens de l’Europe, ceux pour qui une Europe forte entraînerait la disparition de la France, ceux qui trouvaient qu’on n’allait pas assez loin dans le domaine social, ceux qui souhaitaient plus de fédéralisme… il y a autant de différences que de contradictions.
En attendant, ceux qui dénonçaient l’aspect trop social du texte se frottent les mains : c’est la fête dans les milieux financiers de Londres !
Maintenant attendons de voir : d’ici fin de la semaine doit être conclu l’accord sur le temps de travail. Voilà des semaines que Gérard Larcher, le ministre de l’Emploi se bat, quasi seul contre tous, pour essayer d’imposer une limitation du temps de travail à 48h contre les 65 voulus entre autres par les Anglais. Aura-t-il encore la crédibilité nécessaire pour y arriver ?
Je connais l’homme : il n’est pas du genre à baisser les bras et il se battra jusqu’au bout. Mais que peut-il faire, seul ?
La baisse de la TVA pour les restaurateurs devrait également être à l’ordre du jour : comment réagiront les Allemands, principaux opposants au projet ?
La politique agricole va être rediscutée. Là encore la France a souvent été isolée : quelles en seront les conséquences pour nos agriculteurs ?
Ce ne sont là que quelques-unes des questions que je me pose aujourd’hui, et j’avoue être assez pessimiste. Mais je ne demande qu’à être démenti et je serais vraiment heureux de me tromper.
Mais pour le reste, je regrette qu’on ait laissé passer une occasion de rendre cette Europe, à laquelle je reste malgré tout très attaché, plus démocratique et de rendre aux politiques le pouvoir confisqué par la bureaucratie bruxelloise.
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Constitution européenne : revenir aux vrais enjeux
Voici un extrait d'un texte rédigé par celui qui, en France, connait le mieux le traité. Le sénateur Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union Européenne, a non seulement été l'un des membres de la convention, mais il a également participer à la rédaction de la Charte des Droits fondamentaux.
Il faut toujours revenir à la question à laquelle, le 29 mai, les Françaises et les Français devront répondre par “oui“ ou par “non“ : “Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe“.
C’est à cette question et à elle seule qu’il faudra répondre. Et il n’y aura qu’un seul tour.
La question ainsi posée aux Français est toute simple : voulons-nous donner à l’Europe les moyens dont elle a besoin pour défendre ses valeurs, son identité, ses intérêts, son influence dans le monde ?
Avec le traité constitutionnel, nous construisons une Europe plus indépendante, plus forte, une Europe qui puisse défendre son mode de vie, sa place dans le monde.
En disant oui au traité constitutionnel, nous répondons à la vocation que le Général de Gaulle assignait à l’Europe en 1964 : « Une Europe européenne signifie qu’elle existe par elle-même, autrement dit qu’au milieu du monde, elle ait sa propre politique ».
C’est-à-dire qu’il faut complètement écarter du débat les considérations de politique intérieure.
Il ne s’agit pas de dire oui ou non au Président de la République, à son Premier Ministre, à son gouvernement, à Laurent Fabius, à Jean-Marie Le Pen, à Marie-Georges Buffet, à Philippe de Villiers.
Il faut toujours garder à l’esprit que nous sommes devant un texte bien spécifique.
Le traité constitutionnel a ceci de nouveau et d’original qu’il n’a pas été préparé par des gouvernements. Il a été élaboré par une enceinte, la Convention, où les représentants des gouvernements étaient présents, certes, mais très minoritaires ; la grande majorité de la Convention, c’étaient des représentants des parlements (parlements nationaux et Parlement Européen) et ce sont eux qui ont joué le rôle décisif au moment du compromis final. La Conférence intergouvernementale qui a suivi a repris, pour l’essentiel, les résultats des travaux de la Convention ? La Constitution Européenne n’est donc pas née de tractations entre les gouvernements : elle est d’abord l’expression de la démocratie parlementaire européenne.
Et la Constitution – faut-il le répéter ? – n’est ni de droite, ni de gauche. La Convention, qui statuait par consensus, était partagée à peu près pour moitié entre “gauche“ et “droite“. La Conférence intergouvernementale, qui s’est prononcée à l’unanimité, comprenait des gouvernements de gauche comme de droite. Le nouveau traité, en réalité, traduit la communauté de vues de 25 pays.
Il n’y a donc aucun sens à faire intervenir des considérations de politique intérieure. On est dans la politique européenne, point final. Et la Constitution exprime ce en quoi les 25 pays membres sont d’accord.
C’est pourquoi la position de ceux qui se réclament d’un NON qui serait “pro-européen“ me laisse perplexe. Etre pour le NON quand on est souverainiste est une attitude cohérente et naturelle. Etre pour le NON tout en se réclamant de la construction européenne me paraït être une fuite hors de la réalité. L’Europe n’est pas la France en plus grand. C’est un ensemble de 25 pays, et bientôt plus, chacun avec son histoire, sa vie politique, sa situation économique, ses problèmes prioritaires. Etre Européen, c’est accepter que la France soit une des composantes de cet ensemble où les autres ont, autant que nous, le droit de défendre leurs intérêts et leur vision des choses. La Constitution européenne, qui est le résultat d’un patient travail d’élaboration de plus de deux ans, est l’expression de la volonté partagée des 25 membres. Voudrait-on repartir de zéro que l’on arriverait, dans le meilleur des cas, à un résultat inférieur, si ce n’est à un échec. Croire que le NON permettrait d’obtenir un texte allant plus loin dans l’intégration, c’est tout simplement une vue de l’esprit. -
Europe... encore !
Si le NON l'emportait dimanche, je serais réellement déçu.
Qu'auront nous gagné ?
La bureaucratie bruxelloise sera toujours là, nous aurons perdu l'occasion de la freiner dans ses élans règlementaires.
La Commission en ressortirait renforcée avec 1 commissaire par pays (25 aujourd'hui, 28 dans 3 ans) alors que le traité limite ce nombre.
Le traité permet de fixer ses domaines de compétence : ils resteront toujours aussi flous.
Le soi-disant aspect libéral que dénoncent certains serait toujours bien présent (il est compris dans la partie 3 du traité, c'est à dire l'existant qui continuera à être appliqué).
L'unanimité restera la règle au Conseil : un pays comme Malte (400 0000 habitants) pourra bloquer toute décision qui ne lui conviendrait pas.
La voie de la France sera moins forte (9% des voix contre 13 en cas d'adoption du traité)
Les quelques avancée sociales arrachées à nos partenaires seront balayées et (mais ce n'est là que mon avis, même s'il est partagé par la plupart de ceux qui ont participé aux négociations) enterrées pour longtemps.
Donc mon choix est clair : entre faire un pas (même un petit) en avant ou rester sur place, il n'y a pas photo.
J'espère simplement qu'à l'issue de cette consultation, et quel qu'en soit le résultat, les médias s'interesseront un peu plus à l'Europe.
Encore une fois (je sais que je me repète) je ne comprends pas pourquoi on ouvre le journal de 20 h avec la visite du président afghan Hamid Karzaï à Washington et que l'on passe sous silence son intervention devant le Parlement Européen à Strasbourg. Pour nous français était-il plus important de le voir remercier le président Bush pour l'intervention américaine ou de l'entendre dire : "Nous sommes venus essentiellement pour remercier l'Europe de l'aide qu'elle nous a apportée".
S, comme je l'espère, le OUI l'emporte, le combat ne sera pas terminée : nous devrons exiger de nos élus nationaux qu'ils exercent pleinement leur nouveau pouvoir de contrôle sur les futures lois européennes pour que l'on entende plus jamais :“c'est la faute de l'Europe". Avec ce traité, cette excuse ne pourra plus être admise !
Ceux qui rèvent d'une Europe ultra-libérale, qui veulent nous imposer les 65 heures hedbomadaires, qui veulent casser la PAC, et j'en passe… se frottent déjà les mains. Ne leur faisons pas ce plaisir !
Le OUI sera une cinglante défaite pour eux.