Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Disons-le franchement... - Page 24

  • Triple A suite : taux… en baisse !

    Je l’avais évoqué dans mon précédent article : la dégradation de la note française par une agence de notation sur trois n’a pas eu les conséquences catastrophiques que certains se plaisaient à annoncer. Airs graves et mines tragiques de circonstances étaient contredits par la petite lueur de jouissance gourmande qui brillait dans leur oeil. Attitude pour le moins déplacée pour ceux qui aspirent à prendre les rênes du pays.
    Et hier, premier test : l’Agence France Trésor mettait sur le marché 8,59 milliards d’euros de bons du Trésor. Comme on pouvait s’y attendre, non seulement les taux n’ont pas flambé mais ils sont même en léger recul par rapport à la dernière mise sur le marché du 9 janvier :
    - Les bons à 12 semaines ont été adjugés au taux moyen pondéré de 0,165% contre 0,166%
    - ceux à 25 semaines à 0,281% contre 0,286%
    - et ceux à 51 semaines à 0,406% contre 0,454%.

    Restons néanmoins prudent et attendons de voir ce que donnera le prochain appel au marché, jeudi, pour les bons à long terme afin de vérifier cette tendance.

  • La perte du triple A

    Le catastrophisme est à la mode, le pessimisme, une spécialité française… Autant dire que la perte du désormais fameux “triple A“ est de nature à “réjouir“ ceux qui surfent sur ces deux vagues très tendance.

    Et, comme d’habitude, les médias réagissent à chauds, les politiques s’emparent avec délectation de la nouvelle et personne ne semble (ou ne veut ?) prendre le recul nécessaire.
    Mais qu’en est-il réellement ?

    La France a perdu son triple A ! C’est, sous différentes variantes, le titre du jour. Mais, dans les faits, peut-on vraiment parler de perte ?
    Il y a six mois, le grand public ignorait encore l’existence des agences de notation. Celles-ci sont au nombre de trois : Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch Ratings.
    Les deux premières sont américaines, la troisième européenne. Il en existe une quatrième, loin de faire l’unanimité, dont la méthodologie est fortement contestée, l’agence chinoise Dagong Global Credit Rating, qui avait dégradé la note française dès fin 2010. Une dégradation passée totalement inaperçue !

    Mais restons-en aux trois “sérieuses“.
    Ce n’est que l’une d’entre elles, Standard & Poor’s, qui a dégradé la note de la France, les deux autres lui conservent le fameux triple A. Il est donc faux d’affirmer que la France a désormais perdu cette note. Si l’on considère ces agences comme un jury de “crédibilité financière“, La France la conserve par deux voix contre une. Et comme l’expliquait un économiste de l’agence Fitch, passer de AAA à AA+ revient simplement à passer de 20/20 à 18/20.

    La baisse de cette note est-elle réellement catastrophique ?
    Non, si l’on en juge par l’exemple récent des Etats-Unis, dégradés par la même agence en août. Non seulement cela n’a eu aucune incidence, mais, paradoxalement, ceux-ci ont vu leur taux d’intérêt baisser !

    Autre argument entendu aujourd’hui : nous allons maintenant emprunter à un taux beaucoup plus élevé que notre partenaire allemand.
    Faux : c’est déjà, et depuis longtemps, le cas ! L’Allemagne emprunte à 1,85% par an pour une obligation à 10 ans, contre 3,1% pour la France.

    Rejeter la responsabilité de cette dégradation sur le seul gouvernement n’est pas davantage réaliste, la BCE a sa part de responsabilité. Il suffit pour s’en convaincre de regarder ce qui se passe en Grande-Bretagne, pays dont la dette est équivalente à celle de la France et le déficit nettement supérieur : la Banque d’Angleterre achète, sans aucune limite, les emprunts publics britanniques, il n’y a donc aucun risque pour l’investisseur anglais et le pays conserve sa note.
    Autre exemple qui remet en cause la théorie de la hausse systématique d’intérêt (et donc d’un alourdissement de la charge de la dette), le Japon qui a vu sa note dégradée deux fois, passant de AAA à AA. Malgré une dette atteignant 200% du PIB, le pays emprunte aujourd’hui à très bas coût.

    Petit rappel de la hiérarchie des notes : au top du top le AAA (Aaa chez Moody’s), classé “prime“ (haute qualité). Suivent, dans l’ordre AA+ (Aa1), AA (Aa2) et AA- (Aa3) “High grade“ (haute qualité), A+ (A1), A (A2) et A- (A3) “Upper medium grade“ (qualité moyenne supérieure), BBB+ (Baa1), BBB (Baa2) et BBB- (Baa3) “Lower medium grade“ (qualité moyenne inférieure), etc. jusqu’au D (C) en défaut de paiement.

    Et pour avoir une idée globale, faisons un comparatif entre une cinquantaine de pays (les pays de l’Union Européenne, du moins ceux qui sont notés par les trois agences, ainsi que quelques grands pays industrialisés ou émergeants)

    Moody’s
    Aaa : Allemagne, Australie, Autriche, Canada, Danemark, Etats Unis, Finlande, France, Luxembourg, Norvège, Pays Bas, Royaume Uni, Suède et Suisse
    Aa1 : Belgique
    Aa2 : Espagne, Italie, Japon et Slovénie
    Aa3 : Arabie Saoudite et Chine
    A1 : Corée du Sud, Estonie, Israël, Malte, Slovaquie et République Tchèque
    A2 : Pologne
    A3 : Afrique du Sud
    Baa1 : Lituanie, Mexique et Russie
    Baa2 : Brésil et Bulgarie
    Baa3 : Croatien Hongrie, Islande, Inde, Lettonie et Roumanie
    Ba1 : Irlande
    Ba2 : Portugal et Turquie
    B2 : Ukraine et Argentine
    Ca : Grèce

    Standard & Poor’s
    AAA :
    Allemagne, Australie, Canada, Danemark, Finlande, Luxembourg, Norvège, Pays Bas, Royaume Uni, Suède et Suisse
    AA+ : Autriche, Etats Unis et France

    AA : Belgique et République Tchèque
    AA- : Arabie Saoudite, Chine, Estonie, Israël et Japon
    A+ : Corée du Sud et Slovénie
    A : Afrique du Sud, Espagne, Pologne et Slovaquie
    A- : Brésil, Malte et Mexique
    BBB+ : Irlande, Italie et Russie
    BBB : Bulgarie et Lituanie
    BBB- : Croatie, Islande, Inde et Turquie
    BB+ : Hongrie, Lettonie et Roumanie
    BB : Portugal et Serbie
    B+ : Ukraine
    B : Argentine
    CC : Grèce

    Fitch Ratings
    AAA :
    Allemagne, Autriche, Canada, Danemark, Etats Unis, Finlande, France, Luxembourg, Norvège, Pays Bas, Royaume Uni, Suède, Suisse
    AA+ : Australie, Belgique et Espagne
    AA : Japon et Slovénie AA- : Arabie Saoudite et Italie
    A+ : Chine, Corée du Sud, Estonie, Malte, Slovaquie et République Tchèque
    A : Israël
    A+ : Pologne
    BBB+ : Afrique du Sud et Irlande
    BBB : Brésil,Lituanie, Mexique, Russie et Thailande
    BBB- : Bulgarie, Croatie, Hongrie, Inde, Lettonie, Portugal et Roumanie
    BB+ : Islande et Turquie
    B : Argentine et Ukraine
    CCC : Grèce

     

  • Une loi contre le génocide arménien ? fausse polémique !

    Une fois de plus, une loi soulève une polémique sans commune mesure avec le texte lui-même. La faute en incombe certainement, en partie, au titre de la loi qui évoque explicitement la répression de “la contestation de l’existence du génocide arménien“. Mais qu’en est-il du texte lui-même ?

    Article 1er
    Le premier alinéa de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
    « Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront fait l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, tels qu’ils sont définis de façon non exclusive :
    - 1°) par les articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale créée à Rome le 17 juillet 1998 ;
    - 2°) par les articles 211-1 et 212-1 du code pénal ;
    - 3°) par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 ;
    - et qui auront fait l’objet d’une reconnaissance par la loi, une convention internationale signée et ratifiée par la France ou à laquelle celle-ci aura adhéré, par une décision prise par une institution communautaire ou internationale, ou qualifiés comme tels par une juridiction française, rendue exécutoire en France. »

    Article 2
    L’article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :
    1° Après le mot : « déportés », sont insérés les mots : « , ou de toute autre victime de crimes de génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou des crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi ».
    2° Après le mot : « apologie », sont insérés les mots : « des génocides, ».

    Nous ne sommes donc pas ici dans le cadre d’une loi mémorielle comme l’on laissé entendre certains commentateurs, ni dans une loi ciblant nommément la Turquie. Une loi reconnaissant le génocide arménien de 1915 existe bien, mais elle date du 29 janvier 2001 !
    Cette loi-ci s’inscrit dans un autre contexte : le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres de l’Union Européenne en ce qui concerne les infractions racistes et xénophobes, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle. Elle se fonde sur le Traité d’Amsterdam et la décision-cadre 2008/913/JAI sur “la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal“ adoptée par le Conseil de l’Union européenne le 28 novembre 2008. Dans ce sens, elle n’est que la transposition du droit communautaire et s’applique, non seulement à la négation du génocide arménien, mais également “ceux qui auront publiquement fait l’apologie, contesté ou banalisé les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et crimes de guerre, tels que définis aux articles 6, 7 et 8 du Statut de la Cour pénale internationale, à l’article 6 de la charte du Tribunal militaire international annexée à l’accord de Londres du 8 août 1945, ou reconnus par la France.
    Cela concerne donc aussi la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001, reconnaissant la traite et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.

    Il est également à noter que 12 autres pays de l'UE ont déjà adopté un texte semblable sans déclencher de pareilles réactions de la part de la Turquie…
    Il n’est donc pas interdit de se demander ce qui nous vaut ce traitement particulier. Ni de rappeler qu’évoquer ce génocide, qu’aucun historien sérieux ne conteste, est considéré en Turquie comme une “insulte à l’identité nationale turque“ et passible à ce titre de six mois à trois ans de prison !

    Si, à titre personnel, je suis opposé à toute forme de loi mémorielle (ce n’est pas à un gouvernement de juger, voir interpréter l’Histoire), cette loi-ci ne me choque en rien. En transposant dans notre droit national une décision européenne, elle ne fait que contribuer à l’harmonisation de nos diverses législations et elle comble, en outre, un vide juridique.

    Pour mémoire, de nombreux parlements ou assemblées ont adopté des lois ou des résolutions condamnant le génocide arménien : L’Uruguay (1965), Chypre (1982), l’ONU (1985), le Parlement européen (1987), le Conseil de l’Europe (1998), la Grèce (1996), le Liban et l’Italie (2000), la Suisse (2003), l’Argentine, les Pays-Bas, la Slovaquie et le Canada (2004), la Pologne, la Russie, l’Allemagne, le Venezuela et la Lituanie (2005), le Chili (2007), l’Écosse, l’Irlande du Nord, le Pays de Galles, la Catalogne et la Suède (2010).